J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans
De vers, de billets doux, de procès, de romances
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un immense caveau
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
— Je suis un cimetière abhorré de la lune
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées
Où gît tout un fouillis de modes surannées
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché.
Rien n'égale en longueur les boiteuses journées
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité
Prend les proportions de l’immortalité.
— Désormais tu n’es plus, ô matière vivante !
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante
Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.

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